Le Tarot italien
de
Lequart et Grimaud
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Édité sous le nom de Tarot italien à
la fin du xıxe siècle,
ce jeu est en réalité un tarot de facture
française, d'abord produit par le cartier parisien Lequart,
puis par
Grimaud qui en a poursuivi la
publication jusque vers 1930.
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Une première édition
Lequart
C'est en 1878 que l'entreprise Lequart et Mignot se
lance dans la fabrication cartière*.
Elle appose sa signature sur ses
jeux jusqu'à son rachat par Grimaud en 1891. C'est ainsi que nous sont
parvenus le tarot allemand à deux têtes et le tarot italien.
De
ce dernier, nous connaissons trois variantes signées Lequart.
La première a
été dessiné sur le modèle du tarot de Nicolas Conver. Au
premier coup d'œil, nous sommes devant un trait
moins fin que l'original, un manque d'harmonie dans la palette, une
approximation des
formes et la présence d'un rouge vif semi opaque qui masque parfois le
tramage du dessin. Quelques
différences plus subtiles apparaissent, telle la typographie (moderne
pour son époque) ainsi que l'absence de blason sur le Chariot. Quant au
dos, il est décoré d'un motif abstrait et répétitif qui semble être
réalisé à l'éponge, ou qui en imite l'effet.
* Source : Il était une fois B.-P. Grimaud, Maître cartier, L'As de trèfle hors série, 1998 (page 9). |
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La Papesse
dos de carte
![]() Il n'y a pas de signature sur
le Chariot
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Deux variantes Lequart
Après avoir publié ce tarot « de Marseille »
durant quelques temps, Lequart nous offre ensuite une deuxième
version : il transforme son
jeu en modèle « de Besançon », ce qui signifie qu'il remplace
le Pape et la
Papesse par Jupiter et Junon. Le cartier effectuera enfin un troisième
changement significatif, puisqu'il ne mettra plus ce jeu en couleur au
pochoir, mais selon le procédé d'impression tendant à se généraliser à
cette époque : la chromo- lithographie. La répartition des couleurs
(assez proche des deux précédantes variantes, mais avec une
palette plus
douce), bénéficie cette
fois d'un rouge plus profond et moins couvrant. Pas de changement de
dos, mais les tranches se trouvent parfois à
bords ou à coins dorés.
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![]() ![]() Junon est d'abord mise en
couleurs au pochoir, puis en chromolithographie
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L'édition de Grimaud
En 1891, Grimaud rachète Lequart et récupère ainsi
l'ensemble du catalogue de ce dernier. Le Tarot italien poursuit ainsi
son bonhomme de chemin, mais avec quelques aménagements. Tout en
conservant la palette de Lequart, Grimaud modifie la
répartition
des couleurs pour un résultat plus moderne, nottamment par
l'accentuation
du gris (veste du Bateleur et corps du Diable) et par quelques effets
de tramages de couleur totalement novateurs. Les images sont imprimées
en six couleurs (rose, jaune, gris, bleu, rouge, noir) et en rendent
une dizaines de plus par superpositions ou tramages (vert, bleu clair,
rouge foncé, jaune d'or, jaune clair, vert clair, etc.) Cette fois, le
Chariot retrouve le blason du tarot de Nicolas conver avec son VT et les cartes
sont signées B.-P.
Grimaud Paris. Quant au dos, il est désormais marron uni
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![]() ![]() L'apparition du gris permet des
nuages plus réalistes, et les tramages (bleu dans les cheveux, rouge
dans l'écharpe et le foulard) apportent des teintes intermédiaires.
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Quelques variantes Grimaud
Durant une quarantaine d'années, Grimaud diffuse son Tarot italien. Même
si les faces et les dos ne voient aucun
changement, c'est une dizaines de variantes, particulièrement délicates
à classer chronologiquement, auxquelles nous avons affaire :
coins carrés ou ronds,
tranches naturelles ou dorées, et changements de typographie pour la
signature. Ajoutons enfin que sur les éditions Grimaud du Tarot italien,
l'as de denier porte le cachet de la régie
française : « décret
du 12 avril 1890 ».
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![]() Cachet
du 12 avril 1890
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Attention à la datation
Une erreur fréquemment constatée sur Internet consiste
dater ce jeu
« 1748 ». La raison de cette erreur est simple : le deux de
denier est signé « 1748 Arnoult 1748 ». Mais il ne
faut pas
toujours prendre en compte la date mentionnée sur une carte pour dater
un jeu.
Rappelons que certains bois ont servi pendant des dizaines d'années
(allant même jusqu'à deux siècles dans le cas du tarot de
Nicolas
Conver), sans qu'il y ait modification de la date sur le deux
de
denier. Par
ailleurs, quelques cartiers, après avoir racheté un concurrent,
n'hésitaient pas à mettre en avant la date de début d'activité de ce
dernier afin de valoriser leur soit-disante ancienneté. C'est justement
le
cas du Tarot italien
de Lequart : bien que le deux de denier soit daté
1748, ce jeu ne peut remonter au delà de 1878 (année de création de
l'entreprise Lequart). notons enfin que cette
date figurera également sur le
tarot Grimaud de Paul Marteau de 1930,
mais
c'est une autre histoire…
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![]() Une
datation trompeuse
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Tableau comparatif
Voici une présentation synthétique des diverses
éditions
de
la lignée
Conver- Lequart- Marteau, avec les dates, la signature figurant sur le
blason, le nombre de couleurs (noir compris), la technique
d'impression et le type de tarot.
![]() Note : Le Tarot italien Grimaud (1891) a été produit en une dizaine de variantes. Quant à l'Ancien tarot de Marseille (1930), il a fait l'objet de nombreuses éditions qui ont subi de légères variantes au fil des années. |