L'esprit des teintes originales

Toute restauration pose cette question insoluble : À quoi ressemblait l'original ? Les hypothèses sont nombreuses et le travail consiste le plus souvent à choisir le compromis qui concilie le mieux les diverses hypothèses, en clair : à trouver l'original le plus probable.


Les six teintes originales
La tarot de Nicolas Conver utilise un noir et six teintes : jaune, ciel, rose, bleu, vert et rouge. Les exemplaires qui nous sont parvenus ont vu leurs couleurs varier sous l'effet du temps et il est difficile de savoir à quoi ressemblaient exactement les originales. En comparaisons avec les premières éditions, les plus récente (du milieu du xıxe) ont des teintes plus vives et moins fines. Cette différence peut être due à l'effet du temps, mais il est aussi possible que les successeur de Conver aient tout simplement changé de couleurs par mégarde. En général, les teintes plus récentes sont criardes et s'harmonisent moins bien à l'ensemble. En terme de restitution pour le tarot de Nicolas Conver, mon choix s'est porté sur des teintes moins vives, avec un vert intermédiaire.

Mise en couleur du bateleur de Nicolas Conver
Trois éditions entre 1800c et 1860 : à gauche le vert est beaucoup plus sombre, au milieu, il est presque bleu et à droite il devient vif. L'observation du jaune est également révélatrice d'un changement de palette.
La répartition des couleurs
La manière dont chaque couleur est disposée sur les cartes a historiquement fait l'objet de nombreuses variantes, dues aux changements de plaques de pochoirs. Suite à l'usure de ces plaques, certaines d'entre-elles ont été remplacées, mais avec quelques subtiles différences. Si l'on étudie l'ensemble de la production du tarot de Nicolas Conver sur deux-cent-cinquante ans, on peut dénombrer cinq grandes familles. Bien-sûr, c'est la plus ancienne qui nous intéresse, mais rien ne dit que la plus ancienne que nous connaissions soit exactement similaire à la première édition.

Mise en couleur du bateleur de Nicolas Conver
Les différences sont parfois subtiles : la flamme de la torche, les oreilles des deux personnages et l'entre-jambe du diable.

Respecter l'esprit du tarot
Mon souci a été avant tout de respecter l’esprit du tarot et surtout les intentions des artisans de l’époque : Lorsqu’ils choisissaient délibérément de ne pas mettre un visage en couleur, il me semblait indispensable de le laisser en blanc. Par contre, certains « oublis » semblent plutôt liés à une impossibilité de colorisation due à  la technique du pochoir. C’est le cas par exemple des deux bras blancs des enfants du Soleil que je me suis permis de teinter en rose. Par ailleurs, et contrairement aux éditions originales, l'application des couleurs a été réalisée sans aucun débordements, ni bavures. Enfin, il m'a semblé indispensable de retrouver le charme des effets graphiques propres au pochoir, c'est pourquoi j'ai reproduit ces textures à partir d'aplats légèrement irréguliers (voir le vert ci-contre).

Après application des couleurs sur les feuilles ivoires, et comme pour les cartes à offrir, les planches sont ensuite contrecollées suivant une technique à l'ancienne.
 

Mise en couleur du bateleur de Nicolas Conver
Le bleu et le vert révèlent les effets du pochoir.