Quatre palettes de six couleurs
et peut-être plus…
Ayant été produit durant deux-cents ans, dont près de cent-vingt ans au pochoir, le tarot de Marseille de Nicolas Conver a fait l’objet de plusieurs mises en couleurs. Alors que les moules en bois de poirier n’ont jamais été remplacés durant plus d’un siècle, les pochoirs servant à appliquer les couleurs ont été changés à plusieurs reprises. C’est pourquoi les couleurs diffèrent à la fois par les teintes utilisées (la palette), mais aussi par la manière dont elles sont réparties sur la surface de la carte. |
Le plus ancien
De plus, avec le
temps, les teintes ont
passé, comme l’atteste le vert devenu très foncé
dans la version hébergée à la
Bibliothèque nationale de Paris éditée par Héron (ci-contre).
Précisons que cette édition a été retouché par l’éditeur, car la
plupart des visages non-peints sur l’original ont été
teintés
en rose, probablement pour obtenir un graphisme moins « perturbant »
pour le client non initié qui pourrait trouver que les visages blancs
sont macabres.
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Bibliothèque nationale édité par Héron : vert
(assombri par le
temps), jaune, rouge,
bleu, bleu clair, rose (devenu beige avec le temps) et rose franc sur
le visage (un
ajout de l’éditeur).
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Milieu-fin XIXe siècle
L’édition du tarot de Marseille reproduite par Lo
Scarabeo à partir d’un
exemplaire
datant
environ de 1870 utilise des couleurs plus vives en particulier en ce
qui concerne le jaune et le vert. Leur répartition est
différente du modèle de la Bibliothèque nationale. Quelques exemple que
l’on peut observer sur la carte du
Bateleur : il a perdu le bleu clair du chapeau et de sa
baguette, le rouge de sa manche gauche a disparu et sa
ceinture jaune a été échangée par un rose.
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Lo Scarabeo
: vert, jaune, rouge, bleu, bleu clair et rose. On remarque par rapport
à la version recolorisé de la Bibliothèque nationale, que celle-ci
laisse certaines parties du corps sans couleur (ici le
visage n’a pas de rose, seul le cou est partiellement teinté), ce qui
est plus fidèle à l’original.
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Une légère variante
Voici un autre facsimilé de tarot de Marseille, dont
le nom de l’éditeur ne figure
pas sur la
boîte mais sur laquelle est précisé qu’il est réalisé avec
l’autorisation de Worshipful Company of Makers of Playing Cards. On
peut trouver d’autres différences : le chapeau du
bateleur
n’est pas peint en rouge et la baguette est bleue.
Il est fort possible que ce modèle soit légèrement antérieur
à celui édité par Lo Scarabeo car l’observation des traits imprimés en
noirs révèle une usure moindre sur l’ensemble des cartes.
Sur les trois premiers modèles présentés ici, on remarque que même si les couleurs pouvaient varier d’une série de jeu à une autre, le nombre de pochoir n’a pas changé et donc le nombre de couleurs non plus. Si l’on ne compte pas le trait noir, le tarot de Nicolas Conver utilisait six couleurs : vert, jaune, rouge, bleu, bleu clair et rose. |
Éditeur inconnu : Assez proche du modèle de Lo
Scarabeo, cet exemplaire varie sur quelques points de détails.
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Une édition à sept couleurs !
Sur cet autre modèle, très particulier, une septième
couleur fait
son
apparition. Au moment d’appliquer le vert au pochoir, le metteur en
couleur a remplacé le vert par un bleu intermédiaire entre le bleu
clair et le bleu foncé. Le vert, quant à lui, est produit par
superposition du bleu moyen et du jaune comme on le fait aujourd’hui
avec les méthodes d’impression à base d’encres semi-transparentes.
Certaines cartes laissent même apparaître une huitième couleur, vert
clair, obtenu par superposition de bleu clair et de
jaune. Toutes
les cartes du jeu subissent ce type
de variante, pour un ensemble plus riche en teintes : on a alors trois
bleus différents sur une même carte.
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Collection particulière : Alors que les différents
modèles ont habituellement
six
couleurs, celui-ci en présente exceptionnellement sept.
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Fin des tarots au pochoir
En 1880, la maison Camoin récupère la
succession Conver et
continue d’éditer le tarot de Marseille de Nicolas Conver. Pour
s’adapter aux
technologies de l’ère de l’industrialisation, Camoin laisse de côté les
moules en bois et la technique de pochoir en six couleurs. À la place,
il simplifie les couleurs pour n’utiliser que quatre encres : bleu,
rouge,
jaune et rose. Le vert est obtenu pas superposition du bleu et du jaune
(exemple ci-contre dans le chapeau). Camoin signe ainsi la fin des
anciens tarots et ouvre la voie à l’industrie des cartes que ne
manquera pas de suivre Paul Marteau en s’inspirant de ce
modèle à quatre couleurs pour dessiner et éditer le célèbre
« Ancien tarot
de
Marseille » en 1930.
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Édition du bicentenaire : Très proche en couleurs de
l’édition de
1880 de
Camoin, cette
réédition
pour le bicentenaire (1960) ne présente plus que quatre couleurs
imprimées : jaune, rouge, bleu, rose (le vert est obtenu par mélange du
bleu et du
jaune).
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